" Étudier la possibilité d’élever sur le Champ de Mars une tour de fer, à base carrée, de 125 mètres de côté et 300 mètres de hauteur ". Ainsi était rédigé le cahier des charges du concours lancé par l’État français en 1886, dans le cadre du projet d’Exposition Universelle de Paris, prévue pour célébrer, en 1889, le centenaire de la Révolution française.

La France avait déjà organisé plusieurs expositions universelles, en 1855 et 1867, sous Napoléon III et en 1878, sous la Troisième République.


exposition universelle 1878

Vue panoramique de l'Exposition Universelle et Internationale de Paris, 1878
Lithographie
Lucien Paris, Vente Paris Mon Amour VIIe Édition


Celle de 1889, la dernière du siècle, pensait-on, devait être particulièrement brillante. Vitrine de la technologie et de l’art maîtrisés par le pays d’accueil, elle devait comporter un symbole, un phare. Contre 700 autres projets, l’ingénieur Gustave Eiffel, directeur de l’Usine Métallurgique de Paris, qui fournissait des ouvrages d’art dans le monde entier, notamment la structure interne de la Statue de la Liberté à New York, remporta le concours, associé aux ingénieurs Kochlin et Nouguier.

Le 31 mars 1889, en ouverture de l’Exposition Universelle, après deux ans de travaux pharaoniques, lorsqu’il inaugura avec faste la Tour, Sadi Carnot, Président de la République Française, était loin d’imaginer que la dame de fer deviendrait rapidement l’emblème de Paris, de la France, de la Liberté, et le monument d’accès payant le plus visité du monde.L’Exposition Universelle de 1900 lui succèda. Cette exposition, sans doute la plus belle jamais réalisée, constitua l’écrin idéal qui transfigura la Tour. De tous les monuments érigés dans le monde pour les expositions universelles, la Tour Eiffel est le seul encore subsistant immédiatement identifiable aux quatre coins de la planète.


tour eiffel lucien paris


La Tour Eiffel embrasée lors de l'Exposition Universelle, 1889.
Grande gravure en couleur.
Lucien Paris, Vente Paris Mon Amour VIIe Édition



Alors qu’elle n’était à l’origine qu’un bâtiment provisoire, elle fut sauvée de la destruction grâce à la tenacité de Gustave Eiffel, face à des détracteurs qui, dès la pose des premières piles, voulurent à tout prix la faire raser, considérant qu’elle enlaidissait le paysage parisien. D’une hauteur de 313,20 mètres à l’origine, prolongée par la suite de nombreuses antennes culminant à 324 mètres, la Tour Eiffel est restée le monument le plus élévé au monde jusqu’en 1930, détrônée par le Chrysler building érigé à New York.

Alors que les ascenseurs ne fonctionnaient pas encore, le jour de l’inauguration, Gustave Eiffel gravit les 1710 marches des escaliers qui conduisaient du rez-de-chaussée au sommet. 200 invités l’accompagnaient. La moitié s’arrêta à la première plateforme, seulement 50 atteignirent le second étage, et 20 trouvèrent le courage de grimper les marches de l’escalier hélicoïdal qui conduisait du deuxième au troisième étage, sommet de la Tour. A ce niveau, Eiffel avait fait installer un appartement privé. Il hissa, ce jour là, le drapeau français à 300 mètres d’altitude.

Près de cent ans plus tard, pour alléger le poids de la Tour et répondre aux nouvelles normes de sécurité, la Société Nouvelle d’Exploitation de la Tour Eifel décida de supprimer cet escalier hélicoïdal, afin de le remplacer par un escalier plus léger à volée droite, moins dangereux. Il s’agissait du dernier tronçon de l’escalier d’origine encore subsistant, le premier tronçon ayant déjà été remplacé et détruit. Dans le même temps, les ascenseurs hydrauliques furent également changés. Au total, la Tour fut allégée de 1340 tonnes.


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Porte-pendule en bois découpé épousant la forme de la Tour Eiffel
Lucien Paris, Vente Paris Mon Amour IXe Édition

L’escalier fut scindé en 24 morceaux, de longueurs différentes, de 2,10 m à 9 m pour le plus long. L’un d’entre eux est conservé au premier étage de la Tour, trois autres ont été offerts à des musées français (Musée d’Orsay, Musée de LaVillette à Paris, Musée de l’Histoire du Fer à Janville-Nancy). Pour financer les travaux de restauration, les vingt autres morceaux furent dispersés le 1er décembre 1983 au cours d’une vente aux enchères publiques mémorable depuis le premier étage de la Tour, pour la somme globale de 1,8 millions de francs, soit le double du résultat escompté.

Une plaque fut apposée sur chacun d’eux, leur attribuant un numéro et attestant de leur origine. Des collectionneurs du monde entier affluèrent. L’une des pièces fut acquise par un marchand et collectionneur japonais, qui l’installa àYamanashi, à 120 km de Tokyo, dans le jardin de la fondation Yoshii, tout près d’une réplique exacte de “La Rûche”, bâtiment construit par un des ateliers d’Eiffel pour l’exposition universelle de 1889, qui devint l’atelier et lieu de vie de nombreux artistes parisiens. Un autre de ces morceaux orne aujourd’hui la Statue de la Liberté à New York, dont Gustave Eiffel avait réalisé la structure métallique. Un autre fut emportée par la société Walt Disney pour être installé à Disneyland, tout près d’une réplique de la Tour. Quelques autres sont restés en France, deux acquis par le chanteur Guy Béart, un par la Ville de Levallois-Perret, commune où repose Gustave Eiffel, un par la Ville de Nogent sur Marne. Deux autres rejoignirent des restaurants de New York et de la Nouvelle Orléans. D’autres enfin partirent pour le Canadaou la Suisse. Le tronçon n° 20 n’existe plus. Le tronçon n° 16 que nous avons présenté est un des plus hauts. Il est le plus haut réapparu sur le marché ces dernières années. Les trois dernièrement vendus ont rejoint le Brésil, les Pays-Bas et les États-Unis. Il subsiste donc un nombre infime d’éléments de l’escalier dont la situation définitive n’a pas été réglée.